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Placebo versus Indochine
Rock save the queens
Ce n'est pas le fait du hasard si le public couronne de succès les
groupes de Nicola Sirkis et Brian Molko au même moment; les deux ont en
commun une noirceur atypique, en réunissant le meilleur d'influences
rock, pop et new wave. De là à se douter que les deux eussent tant en
commun.
C'est donc une
rencontre, quelques heures avant leur concert commun de Nîmes, qui
prouvera que le public aime ces deux groupes (pourtant assez différents)
pour les mêmes raisons ou presque.
Deux expressions d'un rock smart et flambloyant réunies sous la même
bannière : des influences communes (Patti Smith, E. Neubauten...) et un
sens esthétique plus ou moins similaire (ambivalence du noir, romantisme
exacerbé...).
Évidemment, pour certains, Placebo, l'archétype brûlant du groupe
anglais moderne, ne partage rien avec une légende du rock français
"années 80".
Il suffit pourtant d'assister à un concert d'Indochine pour se rendre
compte que les deux groupes partagent beaucoup, et combien le groupe de
Nicola Sirkis a su rester profondément moderne.
Une différence toutefois : Indochine utilise le prompteur comme pour
parer à un éventuel oubli des textes pendant le concert, Placebo pas...
Brian Molko : Je n'en ai pas besoin, même si ça m'arrive de confondre
les paroles de deux complets. Ça me rappelle ce qui s'est passé au
concert de Shaun Ryder à Glastonbury.
Ce type, qui a passé une bonne partie de sa vie à se droguer, a besoin
d'un prompteur pour les paroles car il n'a plus du tout de mémoire. Là,
le prompteur est tombé en panne et il est carrément sorti de scène après
deux chansons!
Nicola Sirkis : Depuis le début d'Indochine, je n'ai jamais appris mes
textes par coeur. Je les ai toujours écrits sur un carnet. Le moindre
coup de vent en concert, et vlan (sourire)... Cela dit, il y a quand
même des chansons que je commence à connaître par coeur...
B.M. : C'est intéressant car moi, je n'écris jamais mes textes
physiquement. Je les garde en tête jusqu'à ce qu'ils soient enregistrés.
Des fois, ça m'oblige à changer des mots en concert. Mais ma
discographie est encore moins importante que la tienne.
N.S. : Vous jouez combien de temps habituellement sur scène?
B.M. : À peu près une heure et demie. Tu sais, je me souviens de la
première fois que j'ai vu Jeff Buckley, à Edimbourg. Il était déjà
célèbre pour faire des concerts d'au moins deux heures. C'était très
beau. Le seul problème est que les gens se cassaient.
Même devant ce génie, au bout de deux heures, les gens se cassaient! Je
crois qu'il faut toujours arrêter ton concert à un moment où les gens en
veulent juste un peu plus.
Récemment, Cure ont fait une tournée américaine avec des concerts de
trois heures, sans jouer un seul de leurs singles!
N.S. : Je les ai vus à Paris. C'était magnifique, mais effectivement
très long. En revanche, ils n'ont pas joué "A Night Like This", qui est
ma préférée.
B.M. : À Londres, ils ont joué "Fascination Street"..
Cure semblent remporter tous vos suffrages...
B.M. : J'ai grandi avec Cure. Quand j'habitais au Luxembourg, les Smith
et Cure restent mes meilleurs souvenirs de ma "B.O. adolescente" des
jours de pluie. Des Smiths, on avait fait la reprise de "Bigmouth
Strikes Again" pour un album coordonné par les Inrockuptibles.
J'ai rencontré Johnny Marr pour la première fois il y a quatre ou cinq
jours et je tenais absolument à avoir ses avis dessus. J'ai été flatté
d'apprendre que c'était sa préférée du disque. Johnny Marr est quelqu'un
de très important. C'est lui qui a inventé le son "indie".
N.S. : Je trouve ce son très pervers. C'est un son qui vient du glam et
de Mick Ronson, pour dévier des sons plus clairs à Rickenbaker. Moi, ce
sont Patti Smith et David Bowie qui ont fait que pour la première fois,
je me sentais fan de quelque chose.
Dans les 70's, on sortait de Genesis et de Supertramp. À quinze ans, tu
découvres le côté androgyne de Patti Smith et "Diamond Dogs" de Bowie.
Je ne connaissais pas les anciens. Je l'ai découvert après "Ziggy
Stardust".
B.M. : Patti Smith est également très importante pour moi, de même que
toute la scène new-wave de New York, Richard Hell, Lou Reed, les New
York Dolls... C'est une période cruciale. Sans eux, il n'y aurait jamais
eu de punk. L'idée reçue selon laquelle le punk est une invention
anglais est un énorme malentendu.
Je ne fais pas de pro-américanisme, mais Malcolm Mc Laren était déjà à
New York à cette époque. Il manageait les New York Dolls et il était
tombé fou de l'esthétique propagée par Richard Hell.
Quand il est rentré en Angleterre, il voulait créer quelque chose qui
soit entre le côté "fuck you" des New York Dolls et la présence de
Richard Hell. Les Pistols n'ont pas été le début de tout, et les Stooges
y sont pour beaucoup plus.
N.S. : Stéphane était très fan des Stooges. C'est lui qui m'a fait
écouter "No Fun" pour la première fois.
Vous avez de nombreuses références en commun, ce qui signifie sûrement
que vous jouez certains mouvements culturels ou musicaux. Lesquels?
B.M. : En Angleterre, c'est évident. Après Oasis qui copiait les Beatles
et Kula Shaker qui copiait George Harrison, il restait des plages
musicales 60's ou 70's qui n'avaient pas été copiées. Travis se sont mis
à faire du Byrds, et les Stereophonics, du Lynryrd Skynyrd.
Le rock, en Angleterre, est devenu une musique facile à avaler. Nous
nous sentons assez distants de ça. Plus proches de Radiohead ou PJ
Harvey qui créent un univers qui leur est propre. J'espère que mon
impression correspond à la réalité.
En France, depuis quelques années, on peut dire que le rock redécolle,
non?
N.S. : Il y a des jeunes groupes qui recommencent. Dans la mesure du
possible, on essaie de les faire jouer en première partie. Mais la
France n'a pas une vraie culture "pop". En Angleterre, quand Oasis est
numéro un des charts, c'est "Notre Dame de Paris" qui squatte la même
place ici.
B.M. : J'ai l'impression que la France a toujours été plus branchée par
la Variété. Je me souviens d'avoir vu s'enchaîner le clip de
"L'Aventurier" d'Indochine - que justement, je ne compare pas du tout à
la variété - avec un clip de Dalida ou de C. Jérôme. Ça fait une
dichotomie un peu bizarre.
Je vois que tu es familier de la grande famille de la variété française!
B.M. : J'ai grandi au Luxembourg et j'ai beaucoup regardé la télé
française. J'ai été confronté de près à la culture Michel Drucker ou
Jacques Martin.
N.S. : Effectivement, tout cela était très mélangé. Quand on a accepté
de jouer chez Jacques Martin, c'est parce que nous voulions changer tout
cela.
Mais toute la presse
rock nous est tombée dessus à cause de ça : à cause d'avoir mis les
pieds là où il ne fallait pas. Je préférais nous voir un peu trop
maquillés chez Drucker pour faire peur aux grands-mères que d'y voir
Dalida.
B.M. : Je suis tout à fait d'accord avec toi.
N.S. : Mais il y a deux publics en France. Et à part quelques radios,
c'est sinistré.
B.M. : Mais vous avez les quotas, ce qui ne vous aide pas.
N.S. : Prends l'exemple de Radio 21 à Bruxelles, qui passe toutes sortes
de rock. C'est une chose que nous n'avons pas en France. Mais, du coup,
ça génère quelque chose de très positif, aussi : le public est vraiment
fan.
B.M. : Et underground.
N.S. : C'est une nouvelle génération. Une génération que l'on ne peut
plus leurrer. La dernière escroquerie du rock'n roll, ça n'a pas été
Malcolm McLaren, mais les boys-bands. Je ne parle pas de musique, mais
de business.
B.M. : Malcolm McLaren voulait créer une contre-culture. J'ai fréquenté
la même Université que lui. Mais j'y suis surtout allé parce que c'était
celle que John Cale avait fréquentée. Les charts sont mondialement
envahis par la pop mais pas par ce que j'appelle la bonne pop, comme
Blondie ou Abba.
Là, ce sont Britney Spears, Christina Aguilera ou les Backstreet Boys.
Tout cela est créé par les maisons de disques pour faire de l'argent.
C'est difficile pour des groupes qui ont des choses à dire, de passer à
travers tout cela, car la musique est créée par une grosse machine, sans
âme.
N.S. : C'est clair. J'ai longtemps habité en Belgique, d'où je captais
les radios anglaises. C'est là que s'est faite ma formation rock.
Quand je suis rentré en France, c'était Stone et Charden, alors que
j'avais l'impression que tous les autres pays d'Europe étaient à fond
branchés sur le rock. Il y a quatre ans, quand j'ai vu "Nancy Boy" de
Placebo sur MTV, je me suis dit : "Enfin!".
Un vrai déclic de fan...
N.S. : Absolument, qui a eu lieu sur le côté un peu arty du clip de
"Nancy Boy". À l'époque, j'aimais le côté un peu "sales gosses" de
Oasis. Mais, avec Placebo, j'ai découvert quelque chose de nouveau. Tout
comme je continue d'être fasciné par Nine Inch Nails, Aphex Twin ou les
Neubauten.
B.M. : Alors qu'Oasis, en revanche, je ne suis pas du tout client...
J'ai vu les Neubauten en concert il y a un an et demi. Voir que ce
groupe, après quinze ou vingt ans d'existence, a encore progressé, et
fait progresser la musique industrielle, ça me fait halluciner.
N.S. : Je t'avais dit, quand nous nous étions rencontrés au Zénith la
première fois, que nous allions travailler avec leur producteur. Comme
je me retrouve un peu seul aux commandes du groupe, je souhaite revenir
à l'utilisation des synthétiseurs grâce auxquels tu peux inventer tes
propres sons.
B.M. : Ce sont ces synthétiseurs que l'on utilise.
N.S. : Le bon côté de la new wave. Le côté incisif et hypnotique des
morceaux.
B.M. : Celui de "Pure Morning". Avez-vous l'impression d'être bloqués
par la technologie? B.M. : Jamais. Dans le contexte de la réalisation du
dernier album, nous nous sommes plusieurs fois dits que nous avions de
la chance de ne pas être dans les 60's. Ça facilite tout. Il s'agit, en
revanche, de garder un feeling vraiment humain, d'entre jouer trois
personnes.
N.S. : C'est ce que j'ai entendu de nouveau dans votre dernier single :
l'utilisation des séquenceurs.
B.M. : Absolument. On avait expérimenté les loops de batterie sur "Pure
Morning" mais on n'avait jamais expérimenté les loops de guitare et de
claviers. C'est ce que l'on a fait. Steve a joué certaines de ses
partites sur clavier. On sait que l'on reste un groupe live.
Pensez-vous que la
techno aspire aux mêmes choses que le rock. Je veux parler du sentiment
de fuite, de rébellion?
B.M. : Il faut alors parler de Prodigy. Ce groupe est très important car
ils ont marié une attitude punk à la musique techno. Avec leurs
synthétiseurs, ils ont quand même réussi à être beaucoup plus punk que
Offspring, par exemple.
N.S. : Chaque année, on entend que le rock est mort. Mais si Placebo
arrive à séduire, c'est peut-être qu'en utilisant des gimmicks qui
existaient déjà, ils inventent quelque chose d'original. C'est nouveau.
Le seul problème de la techno est qu'elle est trop galvaudée. Quand on
me parle de french-touch et de Cassius, je n'entends que la disco des
70's. C'est rigolo en boîte de nuit mais bon, voilà...
B.M. : C'est vrai. En fait, en techno, j'aime les choses moins teintées
"happy-house". Nous parlions d'Aphex Twin tout à l'heure. Pour moi,
c'est un pur génie.
N.S. : Il y a la phrase d'un philosophe français qui dit "Il fait beau,
allons au cimetière." Une façon de traduire l'élégance et la violence de
la musique. L'attirance du noir.
Le noir, c'est quelque chose qui vous rapproche. Ce n'est pas un hasard
si vous êtes tous les deux habillés en noir...
N.S. : C'est parce que c'est moins salissant (rires). Toi Brian, tu
portes toujours des tee-shirts que j'aime beaucoup.
Mais selon vous, d'où vient le regain d'intérêt pour le romantisme d'un
public qui vous porte aux nues?
N.S. : Il y a toujours eu de l'intérêt. Le romantisme auquel je suis
attaché, c'est celui du 18ème siècle. Celui de Mallarmé. Celui des
solitaires.
B.M. : Jean Genêt, Baudrillard, Dennis Cooper qui est selon moi le
Marquis de Sade des 90's. Ces écrivains-là me touchent beaucoup. En
France, je n'ai jamais entendu un album aussi pervers et aussi beau que
"L'Histoire de Melody Nelson" de Gainsbourg.
Un disque qui peut me faire pleurer : "Tu es la condition sine qua non
de ma raison." Fuck!
N.S. : Gainsbourg, à l'instar de Dutronc, sont deux des meilleurs
musiciens que la France ait connu.
B.M. : Si tu as habité la Belgique, tu dois connaître Brel.
N.S. : J'étais à l'école avec sa fille. Mais je dois dire que je ne suis
pas un grand fan de Brel.
B.M. : Vraiment!?! Absolument tout ce qu'a fait Brel me touche.
Totalement.
Inévitablement, la conversation déviera sur les nombreux centres
d'intérêt communs aux deux musiciens : Scott Walker, "Le Plat Pays"
belge et Brel en général, John Lydon... Le constat de l'interview est
rassurant.
Avec Indochine et Placebo, le rock a gardé sa fougue et son
aspect racé et romantique, et prouve qu'il peut aussi être le genre de
protagonistes particulièrement érudits.
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